Après cinq mois de conflit, les langues se délient au sein de la grande muette. L’analyse des militaires français permet de voir sous un nouveau jour la propagande assénée par Kiev, Moscou et Washington. Et si l’issue de cette guerre « intégrale » est incertaine, ce qui est sûr, c’est qu’elle est partie pour durer.
Sur les plateaux des chaînes d’info, les anathèmes ont plu sur les hauts gradés français : « Ils n’ont rien vu venir », puis aussitôt l’invasion déclenchée, « ils ont professé que le “rouleau compresseur russe finirait par passer” – il n’en fut rien » ; d’ailleurs, « le système militaire fonctionne si mal que le chef d’état-major des armées a coupé la tête du général Éric Vidaud, le patron de la DRM, le renseignement militaire français »… La palme revient à l’« expert » qui a déclaré début mai sur BFMTV : « L’aveuglement des Français sur l’Ukraine s’explique par la russophilie de ses képis étoilés » (sic). Faut-il préciser que, le plus souvent, les auteurs de ces sentences à l’emporte-pièce ne connaissent ni la guerre ni l’armée française. Ils se contentent de tirer leur « science » des renseignements et des éléments de langage délivrés quotidiennement et presque sans filtre depuis le début du conflit par Washington et Londres.
« Pas un État européen de l’OTAN n’a cru Washington quand elle prophétisait que les Russes envahiraient l’Ukraine »
Cependant, leurs voix se font plus rares ces derniers temps. S’ils avaient simplement pris la peine d’écouter l’ancien attaché de défense français à Moscou, mi-février, au colloque annuel de la pensée militaire terrestre organisé par le Centre de doctrine et d’enseignement (CDEC) de l’armée de Terre, ils auraient ravalé leurs a priori. Ce jour-là, ce général d’active brossait un portrait assez sombre de ses homologues de l’Est. Il évoquait une armée de terre russe « désorganisée », « minée par la corruption » et « mal encadrée », commandée par des chefs rigides et « sous-formés ». Autant de maux qui sont apparus au grand jour dès le 24 février, contribuant sans doute aux premiers déboires russes en Ukraine. Dur réapprentissage grandeur nature de l’art militaire.
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Quant aux moyens des services de renseignement français, il est exact qu’ils sont bien limités par rapport à ceux des Américains. Et qu’ils étaient largement accaparés par la guerre que mène la France contre le terrorisme islamiste depuis 2015, en particulier pour appuyer les opérations que nos armées ont enchaînées comme jamais au Levant et au Sahel. Sans doute est-il vrai aussi que leur « basculement » vers la zone Europe de l’Est a été lent, bien que la DRM ait réorienté une partie de ses capteurs plusieurs mois avant l’invasion russe, ne serait-ce que pour pouvoir évaluer un renseignement américain jamais neutre, parfois falsifié à dessein. Aussi, comme le souligne un analyste bien placé, « pas un État européen de l’OTAN n’a cru Washington quand elle prophétisait
